Vers une civilité forestière

Plus value et moins value des lieux de vie

par rapport à l’abattage des arbres

 

Une autre manière de voir à partir du célèbre adage :

« Penser globalement, agir localement »

de René Dubos

 L’association Forêt Citoyenne s’intéresse autant à la présence des arbres soutenant l’ambiance des milieux urbains et ruraux qu’aux respects de la sylvicultures à l’égard des fonctions sociales et écologique s de la forêt.

La fonction sociale des arbres et des forêts doit être de plus en plus préventivement prise en compte, autant dans les PLU que dans les plans de gestion des forestiers. Il est même vivement souhaitable d’aller jusqu’à une prise en compte plus grande du végétal, du paysage et de l’environnement limitrophe, dans les plans de masse des architectes, surtout dans la préservation des arbres antérieurs à la construction des édifices…

En effet, la fonction sociale des forêts et des arbres ne se réduit pas à appréhender seulement  la qualité des lieux selon leur fréquentation. Elle entend aussi porter une attention comparative des transformations paysagères associées à l’exploitation du bois et à la suppression des arbres. Ainsi, vaut-il la peine de détruire telle qualité de forêt ici, pour là-bas produire tel environnement ? A-t-on entre un paysage dégradé ici et un environnement construit là-bas, une « plus-value globale » en terme de qualité de lieux de vie ? Pouvons-nous procéder autrement et mieux ? Tels sont les questions que Forêt Citoyenne entend renforcer auprès de tous les décideurs.

Par les illustrations qui suivent et leurs commentaires, nous vous exposons des exemples de situations où ce genre de questionnement ne manque pas de survenir ? Nous voulons recenser avec vous ces situations,  pour mieux les anticiper, et susciter des projets meilleurs…

1- Détruire un paysage  pour en construire un autre :

Ce n’est pas parce qu’une construction est tout en béton qu’elle ménage la consommation de bois. Ici les contreforts nécessaires pour creuser les caves et les garages d’un futur petit immeuble à Clamart (92) constituent un bois d’œuvre qui, probablement dans un autre usage, aurait permis la construction d’un chalet. Dans ce cas, la disparition d’un boisement sert au consommable-jetable. Il pose la question de la dégradation d’un lieu de vie pour la construction d’un autre lieu, certes fonctionnel, mais asséché d’un rapport vital au lieu. En outre, des grumes d’une telle importance, jetables après usage, ne seront pas absorbées par les activités économiques pour stocker le gaz carbonique de l’atmosphère. Tout cela s’insère dans une consommation de ce qui était initialement de la vie, sans qu’on soulève un rapport de valeurs, en terme de perceptions qualitatives entre le rasement de paysages arborés et le renforcement concentrationnaire de lieux urbains dévitalisés en nature.

2 -Abattre pour replanter :

La disparition d’arbres centenaires dans des espaces publiques, pour des réaménagements superflus semblant plus profiter aux BTP et aux pépinéristes qu’à la qualité du lieu, constitue un constat traumatique pour des riverains aimant leur quartier. Ici par exemple, la refonte de parkings sur l’esplanade de Meudon (92) accédant à l’observatoire et induisant l’abattage d’arbres centenaires. Cette initiative à priori superflue a fortement exacerbé l’indignation des riverains. Les arbres font corps avec l’âme d’un lieu de vie en proportion de leurs âges. Les arbres juvéniles de pépiniéristes venant en substitut ne remplaceront pas la présence que leurs prédécesseurs émanaient. De même, leur transplantations les conditionneront probablement à ne pas vivre longtemps. En bref, cela pose la question d’un rapport à l’arbre en milieu urbain autre qu’à être de la déco et du simple « mobilier végétal ».

3 – Acheter et jeter :

Nos meubles, outre que de servir à nos rangements, constituent du carbone stocké. Nous constatons que les meubles transmis par voie d’héritage se maintiennent et outrepassent nos vies, tandis que le dernier mobilier acheté en grande surface se retrouve souvent à la déchetterie dix ans après. Nous ne pouvons nier qu’une obsolescence amplifiée du mobilier exerce une pression accrue sur les forêts à l’encontre du respect de ses fonctions écologiques, climatiques, et sociales. On ne peut s’intéresser au respect de la qualité de nos forêts sans tendre vers un usage pérenne de nos meubles, donc vers du mobilier plus robuste, traversant le temps par rapport aux modes, et dont les usages ne deviendront pas surannés à terme.

 

Conclusion : Reconstituer « une civilité forestière » :

 

La civilité forestière prend en compte la moins-value paysagère induite par du boisement intensif à fréquence de coupes de plus en plus écourtée, comparé à la perte de qualité de forêt mature.

La civilité forestière prend aussi en compte la dégradation de la multifonctionnalité des forêts par des objectifs de boisements intensifs.

La civilité forestière prend en compte la perte de valeur paysagère consécutive à l’abattage d’arbres matures confronté à la maturité des usages dans la consommation du bois.

Ainsi, au non du gaspillage, détruisons-nous la beauté des lieux, simplement parce qu’un ou des professionnels ont de l’argent à se faire sur telle ou telle opération ? Telle est l’une des questions récurrentes à travers nombre de constats outrageants.

 

La beauté des forêts et des autres paysages arborés est proportionnelle au degré de maturité des arbres. Aussi toute civilité estimant ces lieux ne saurait supporter leurs disparitions pures et simples sous le consommable-jetable tant les êtres humains se retrouvent ensuite destitués de tout rapport essentiel aux lieux de vie.

 

La civilité forestière émerge dans l’expression de citoyens érigés en lanceurs d’alerte quand l’outrance des profits à courts termes, les manquements professionnels, et le désengagement politique, compromettent la qualité  et la multifonctionnalité de nos forêts et de tous lieux arborés.

 

La civilité forestière : composante d’un nouveau professionnalisme. Quand une politique meurt ou fait preuve d’absentéisme sur des sujets de société, s’en suit des tensions conflictuelles entre la société civile et le monde professionnel. La réappropriation et la maturation de conscience par les professionnels liés à la vie des arbres et des forêts constitue un enjeu majeur pour l’avenir de nos paysages ; surtout dans le respect de leurs fonctions écologiques, climatiques et humaines. En particulier pour ces dernières, il y a urgence à réévaluer les influences sanitaires et psychologiques des arbres matures sur les êtres humains.

 

En antidote des tendances négatives actuelles, la civilité forestière se donne pour vocation de poser un nouvel art de vivre collectif outrepassant par une créativité de maturation la simple pose d’un cadre disciplinaire sur les intérêts professionnels ne respectant pas la qualité de vie.

 

Toute éthique émanée d’une civilité forestière découle d’une réhabilitation des perceptions sensibles et qualitatives en émancipation de l’attention exclusive portée aux rapports chiffrés, partiels et partiaux.

 

Il est nécessaire de penser globalement la civilité forestière. Cela suppose une politique nationale avertie, quelque soit ses tendances partisanes. A ce titre, des règles du jeu doivent être révisées pour qu’il n’y ait pas de différentiel injuste dans la concurrence quand est favorisé l’exclusivité de la fonction économique dans les grands domaines de la forêt privée, au détriment des engagements pluraux des forêts domaniales et communales.