La grande question de Forêt Citoyenne

L’éditorial de la rentrée

Une vision  de fond pour éviter qu’un pragmatisme se noie :

Parfois, il faut recourir à telle ou telle culture pour nous donner à comprendre plus vite ce qui se trame dans les dessous de notre actualité.

Vous souvenez-vous de cet âge où vous étiez encore jouvenceau, l’âge où certains d’entre nous ont lu Chrétien de Troie et les légendes du roi Arthur ? Cet âge d’avant les identifiants et les mots de passe venus pour remplacer les armures et les boucliers. Non point les vôtres, mais ceux d’une administration à l’égard de ses administrés désormais canalisés vers les gouffres de l’anonymat ! Oui, vous avez bien entendu. Il s’agit bien d’abimes, de néant, en regard desquels les états-majors politiques ont décroché de tout lien vital avec notre société et une certaine nature ! Cela ressemble à des douves incommensurables totalement infranchissables pour les vocations nées de l’autre côté dans les réseaux conviviaux de proximité. Elles sont devenues exilées comme jamais sous les leaderships de la financiarisation qui n’ont plus l’air d’être réellement présents à ce qu’ils financent.

Tout est sorti de l’échelle humaine, de l’échelle des écosystèmes…
L’humanité est  ensevelie sous sa puissance, et désormais l’humain déchu de toute possibilité à s’autodéterminer.

Mais insistez ! Continuez à vous remémorer ce temps lointain des aïeux; une époque anté-QR-code pour vous ! Alors ce vieux légendaire pourra vous rappeler quelque chose. Mais si vous n’y parvenez toujours pas, faites perdurer encore votre effort. Rappelez-vous d’un fameux « roi pêcheur en langueur » devant une question que des chevaliers ne posent jamais quand passe devant eux le Saint-Graal. Vous souvenez-vous de cette stupeur du chevalier retenant en lui toute question au risque de relancer la langueur du roi et la torpeur de ses sujets  ? Vous souvenez-vous de cette terre inexorablement « gaste » quand elle est sous la coupe d’un règne sans présence ?

Mais pourquoi parler de cela actuellement ? N’est-ce point un propos ringard et dérivatif devant les problèmes très factuels rencontrés par les lanceurs d’alerte ?

En fait, cet imaginaire pourrait ne plus être suranné quand on se sert de sa grille de lecture pour décrypter notre actualité ; puis au-delà du pratico-pratique, atteindre un mal  ayant empêtré nos mentalités. Toutefois, il y a une transposition à faire.

Pour la torpeur du peuple, parlons plutôt de sidération.

Quant à une démocratie sans roi, ce sont dorénavant les organes de la société qui sont en langueur.

Car les chevaliers administratifs et financiers ne posent jamais la question qu’il faut poser pour nous délivrer d’un progrès « gaste » (stérile dans le langage actuel) et d’une crise écologique croissante. Désormais ce n’est guère la stupeur qui nous est signifiante mais le déni d’une mentalité technico-commerciale qui a pour supériorité d’avoir simplement oublié son oubli. Ce qui est tombé en langueur (« dépression » dans le langage psy actuel) est inhérent à la perte de conscience visionnaire pouvant unifier un management et son équipage.

C’est évident ! Le monde professionnel, en France sombre de plus en plus dans une atonie profonde sous un affairisme somnambule et inconsistant. Mais alors aujourd’hui pour ce qui concerne la forêt, qu’est-ce qui peut résonner en équivalence du Graal ? Qu’est-ce qui peut résonner en équivalence de la question à ne pas manquer tandis que les successeurs des chevaliers d’antan se trouvent saisis de paralysie quand c’est justement l’instant précis pour la poser !?

Le « graal » pourrait être aujourd’hui apparenté à tout ce qui peut reconnecter la nature inconditionnée à l’humain inconditionné. En dehors de cela, pas d’éveil réel à espérer à la source. C’est là le rappel au fondamental quelles que soient les croyances, imaginaires, représentations…

La question à poser (du moins la première…) est brute de décoffrage:

La sylviculture et la filière bois doivent-elles dégrader inconsidérément l’écologie des forêts pour s’adapter à un système économique qui n’est plus économiquement réparable?

Malheureusement comme à toute bonne question posée, soit on a pour réponse un mutisme absolu, soit du pis-aller de réponses pour masquer l’incompétence des responsables ou l’impuissance d’une régence technocratique. Apparaît-là un tragique déficit de maturation chez les professionnels qui ont le nez collé sur du pragmatisme à court terme et sur leurs intérêts privés jouant de plus en plus à l’encontre du bien commun.

Nous voyons cette question sciemment éludée car tout pouvoir a bien trop peur de voir le tapis lui glisser sous les pieds, et chacun sait, s’il est honnête et sans esquive avec ce questionnement, que c’est le point de bascule irréversible de notre destin collectif ! Mais pourquoi faudrait-il en avoir peur si c’est justement pour trouver une destinée qui nous libère de la fatalité ?

BB